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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 09:04

EYSSES, UNE PRISON DANS LA RESISTANCE

La prison Centrale d'Eysses - les 3 Glorieuses - la fête de la jeunesse et des sports - les changements de direction - l'Insurrection pour la Liberté est déclenchée - la Cour Martiale - Questions-Réponses- Villeneuve-sur-Lot - Portrait d'un collaborateur.
 

--- Prison Centrale d’Eysses

C’est aux premiers jours d’octobre que nous entrons dans ce qui a été pendant de nombreuses années un bagne pour enfants. Sans notre pugnacité, notre solidarité et notre volonté commune il le serait devenu pour nous. Nous sommes 1.200 condamnés à des peines plus ou moins lourdes. En additionnant nos peines nous arrivons au chiffre de 7.300 années.

Je précise qu’à cette époque les condamnés pour opposition au gouvernement collaborateur de Vichy ou pour activité de Résistance devaient être particulièrement brimés. Pour le pouvoir en place nous étions bien plus dangereux que les assassins, les violeurs, les voleurs et les condamnés pour grand banditisme. Il fallait trouver en zone sud  un lieu susceptible de nous accueillir. Trois centrales pouvaient y prétendre : la centrale de Riom dans le Puy de Dôme, celle de Nîmes dans le Gard  et celle d’Eysses dans le Lot et Garonne. Seul M. A.Lassalle, directeur de la Centrale d’Eysse, accepte de nous recevoir.

En l’absence du Directeur de la centrale, c’est le Gardien chef  Dupin qui nous a reçus sans le moindre ménagement. Nous avons été tondus, puis désinfectés sur la tête et les parties génitales avec un liquide qui nous a littéralement brûlés. Une chemise, un caleçon, une tenue de bure, une paire de sabots de bois qui nous blessent les pieds composent notre tenue. Nous sommes ensuite conduits dans les différentes cours (préaux), il y en a quatre.

Je passe les premières nuits dans une cellule « sorte de cages à poules » dont la partie couloir est grillagée pour que les gardiens ne nous perdent pas de l’œil. Les dortoirs que nous rejoindrons plus tard sont équipés de châlits à deux étages.

Dans la journée nous sommes assis sur des bancs de pierre. Au coup de sifflet du gardien, nous devons nous mettre en cercle et au rythme de gauche, droite, gauche nous tournons les bras croisés avec interdiction de parler entre nous. Au bout d’un quart d’heure nous devons nous retourner pour aller dans l’autre sens. Ces rondes infernales rythment nos journées. Les repas pris aux réfectoires ne sont pas meilleurs que dans les autres prisons, mais plus abondants. 

Heureusement dès que la raison de notre incarcération est connue, certains gardiens prennent fait et cause pour nous. A l’atelier de menuiserie, le gardien Dumas est un authentique Résistant.
Nos délégués réclament que les divers services administratifs, ateliers et infirmerie toujours tenus par des condamnés de droit commun, soient assurés par nous-mêmes. Avec l’approbation de la direction il fut facile de trouver des volontaires pour occuper ces divers postes, car tous les corps de métier étaient présents dans le collectif.

Je me porte volontaire avec deux autres camarades pour la lingerie. Je n’y resterai qu’une journée, car le soir au moment de quitter l’atelier le gardien a voulu nous fouiller. Mes deux camarades se sont laissés fouiller à corps, j’ai refusé prétextant que je n’étais pas un droit commun. Comme le gardien insistait j’ai pris un banc en le menaçant. Le gardien a appelé à l’aide déclenchant un vrai scandale. Le gardien chef arrivé à la rescousse ne m’a pas fait céder. C’est seulement en présence de nos représentants que j’ai accepté d’être fouillé. Le lendemain je n’y suis pas retourné, le gardien du service ne voulait plus de moi.

Parmi les 1.200 condamnés, il y a des hommes de toutes origines sociales, de tous horizons politiques, de toutes options religieuses ou athée, tous unis pour la même cause : la libération nationale. Tous sont tombé dans les mailles de la répression pour avoir  lutter contre l’occupation nazie, qu’ils soient distributeurs, imprimeurs de tracts ou de journaux clandestins.

Sur proposition  de M. A.Lassalle directeur de la Centrale, nous élisons   dans chaque préau, des porte-parole chargés de discuter avec l’administration du pénitencier pour apporter des améliorations à notre internement. C’est ainsi que les rondes sont supprimées, que nous récupérons nos effets civils, que nous prenons l’administration intérieure de la prison : l’infirmerie, la lingerie et les ateliers. Les nouveaux arrivants n’auront plus la tête rasée, ils pourront garder leurs effets civils Nous pouvons écrire autant de fois que nous le souhaitons, notre courrier n’est plus ouvert.

Comme il se trouve parmi nous des enseignants, des artistes, des comédiens et des sportifs, nos responsables les invitent à créer des groupes d’études pour maintenir l’esprit de chacun en éveil.
Cette requête présentée au Directeur fut acceptée. Quelques jours plus tard, dans chacun des préaux des groupes d’études entrent en action. Le sport particulièrement car il nous faut garder la forme pour reprendre le combat libérateur.

Je m’inscris pour des cours de philosophie Marxiste dirigés par  Victor Michaut et au cours de comédie. Nous avons présenté avec mon camarade Robert Camp habillé en femme un semblant de comédie musicale, sur le thème « Etoile de Rio ». Je dois avouer  qu’avec nos voix de fausset, nous n’avons pas eu le succès escompté. Mais nous avons bien ri et fait rire, là était l’essentiel.

Nos amis de l’extérieur améliorent notre ordinaire en organisant des collectes, chaque jour un camion de vivres arrive à la Centrale.

 

Cette photo a été prise clandestinement par un appareil rentré grâce à la complicité d'un gardien patriote comme nous en avons eu beaucoup dans cette centrale où nous étions 1.200 résistants condamnés à des peines plus ou moins lourdes voir à perpétuité.

photo-de-groupe.jpg

Je suis à genoux à gauche sur la photo, les 3 camarades debout sont décédés depuis longtemps. Celui du centre Jean Delbos a été mon chef de groupe. Celui qui est à ma droite genou à terre Robert Camp est toujours vivant et nous entretenons toujours une correspondance.
 

Les trois glorieuses : Ces trois journées d’actions ont été baptisées ainsi en référence aux 27, 28 et 29  juillet 1830 qui mirent fin au règne de Charles X.

Début décembre 1943, le collectif d’Eysses a grossi de 156 internés administratifs, des camarades qui n’avaient rien à faire en prison puisqu’ils n’avaient jamais été jugés.

Dés l’arrivée  au pouvoir de Pétain et  de ses acolytes, toutes les  administrations furent  purgées : les responsables syndicaux, les  communistes  et les socialistes jugés aptes à contaminer les autres fonctionnaires furent arrêtés et mis dans des camps administratifs, pas vraiment en la prison, mais ils étaient quand même privés de liberté.

Ces internés qualifiés d’irréductibles par Vichy, s’élevaient contre le système inique qui les maintenait dans un bagne alors qu’ils n’étaient ni condamnés, ni même inculpés.

En réponse à leurs protestations, 109 internés sont désignés pour partir. Départ fixé pour le 8 décembre. Dans la matinée des délégués de ce collectif, se mettent en rapport avec nos représentants pour les prévenir de ce départ. Quatre heures plus tard la colonne quitte la centrale pour rejoindre la gare. Ils y déploient un drapeau tricolore et chantent la Marseillaise. Le train arrive, ils prennent place dans les wagons tout en chantant des airs patriotiques. Ils apprennent à  23 heures que leur départ est remis et qu’ils reviennent à la centrale.

Alors qu’ils ont regagné leur dortoir, le bruit court qu’ils vont être envoyés près du camp de Voves en zone Nord sous contrôle Allemand. Avec l’assentiment de l’ensemble de notre collectif, les délégués décident de s’opposer au départ des administratifs.

Le vendredi 10 décembre, alors qu’il fait encore noir des G.M.R investissent la centrale et tentent en se servant de grenades lacrymogènes de faire sortir les internés. Mais l’ensemble du collectif veille. De dortoir à dortoir  l’alerte se déclenche, les portes sont défoncées. En quelques minutes plus d’un millier de détenus se portent au secours de leurs amis.

La tactique adoptée est celle de l’affrontement de masse, le collectif s’érige en Bataillon de la Résistance. Au coude à coude,  se tenant par le bras et chantant la Marseillaise le millier d’hommes progressent face au peloton de policiers en armes.

Plus que cinquante mètres nous séparent du peloton de G.M.R, armes braquées sur nous. Au premier rang se trouvent nos délégués. Alors qu’il ne reste plus que vingt mètres, Victor Michaut interpelle les G.M.R. : « Oserez-vous tirer sur des Français ? Marchez plutôt avec nous contre les Allemands. Conduisez vous en Français ».

Plus que quinze mètres : un incident se produit qui déconcerte les G.M.R.. Un des détenus, le savoyard René Rouet sort du 2ème rang et appelle par son nom le Capitaine des G.M.R. le salue militairement, se place face à lui au moment où semble t’il, il allait donner l’ordre de tirer. Le regard du Capitaine croise celui de René Rouet qu’il reconnaît à son tour (il a été son capitaine au 28ème R.I..L ) :

  "Toi ici, Rouet ?"

" Oui mon capitaine. Nous étions ensemble au printemps 40 sur le même front contre les Fritz. Vous me connaissez, vous ne pouvez pas tirer sur nous".

Le capitaine ne dit mot et les G.M.R. sont sidérés. Nos deux principaux délégués Fuchs, Gaulliste, et Auzias, Communiste, s’avancent d’un pas ferme et disent au capitaine : « Maintenant faites sortir vos hommes de la prison et faites venir votre chef ».

L’intendant régional de la police Hornus arrive, accompagné du chef de cabinet de la sous préfecture de Villeneuve-sur-Lot et tente d’amener le capitaine des G.M.R. au geste fatal.  Auzias toise le policier  et lui dit « Sachez que nous ne permettrons pas la déportation de nos amis internés administratifs en zone occupée.

« Faites retournez vos camarades dans les dortoirs ».

Stéphane Fuchs réplique : « Il ne serait en être question, que vos hommes se retirent d’abord, nous resterons jusqu’à se que vous ayez fait évacuer toutes forces de police hors de la prison ». Une vibrante Marseillaise s’élève du Bataillon et Hornus à contre cœur ordonne aux policiers de quitter la cour. Il assure que les internés resteront  dans un camp en zone libre. Ce qui désormais devient le Bataillon d’Eysses vient de remporter une nouvelle victoire. ( Hornus arrêté à la libération et accusé d’intelligence avec l’ennemi fut condamné à mort et exécuté à Toulouse le 16 décembre 1944.)        

Parmi nous le commandant Bernard, deux sous-officiers et un groupe d’une cinquantaine de camarades préparent dans la plus grande discrétion les conditions d’une évasion collective.

Dans les sacs de denrées collectés, sous les vestes des gardiens patriotes, dans une caisse de biscuits à double fond, les résistants le l’extérieur nous font parvenir des mitraillettes Sten en pièces détachées, des grenades, des revolvers. Une réunion autour de l’économe réunit Auzias représentant le Bataillon et Maurange un envoyé de la branche Front National de Libération : il ne suffit pas de préparer une évasion collective, il faut organiser les placements dans les divers secteurs de combat.

 

La fête de la jeunesse et des sports : Le 16 janvier 1944, sous la direction des camarades Etienne Laval responsable des jeunes et Henri Entine responsable des sports, s’organise dans une certaine euphorie, la fête de la jeunesse et des sports.

Avec les châlits nous formons des tribunes, au centre du préau 2 un mât se dresse et la cérémonie commence par le lever des couleurs et une vibrante Marseillaise. Un beau drapeau Bleu Blanc Rouge va flotter toute la journée au-dessus des compétiteurs. Les compétitions inter préaux vont se dérouler toute la journée. Notre préau remporte la coupe  Les personnels du pénitencier ne sont pas les derniers à applaudir les athlètes

 

Les changements de directions : Fin janvier le directeur M. Lassalle fait appeler nos délégués et leur annonce qu’il quitte la centrale sur ordre de l’autorité. Il est accusé d’avoir transgressé les règles disciplinaires de la prison. (Il n’est pas exclus que se soit le gardien chef  Dupin Vichyste et collaborateur qui ait dénoncé son directeur auprès des autorités, car il ne se cachait pas pour dire que la centrale n’était pas comme il l’aurait souhaité). Nos camarades lui font comprendre que cette mesure de disgrâce  peut être dangereuse pour lui, qu’il devrait nous ouvrir les portes et se mettre sous notre garde. Bien sûr, il refuse.

 Le Directeur suivant  Chartroul ne reste que deux jours à son poste. Le lendemain de son arrivée avec des intentions très nettes de rétablir la discipline carcérale, il trouve un petit cercueil sur son bureau, prend peur et demande sa mutation.

Après le départ de Chartroul, un ami personnel de Darnand chef de la milice cette police supplétive réclamé par Hitler pour seconder la gestapo dans ses basses besognes est nommé. Il est colonel dans la milice, s’appelle Schivo et compte bien rétablir la discipline du bagne. La venue de ce directeur-Führer qui salue à l’hitlérienne, s’accompagne de sévères mesures et un retour à la discipline carcérale, avec lui arrivent d’autres miliciens des tueurs : Robert dit « Alexandre » et Latapie, deux spécimens du milieu, condamnés de droit commun qui seront ses gardes du corps. Il y a aussi son épouse Elisabeth Schneiderborn, ancienne membre de la jeunesse hitlérienne.

Schivo n’est pas le fonctionnaire d’une vieillotte administration, mais le vrai fasciste prêt à sortir le révolver. En circulant dans une cour il entend  les strophes d’un chant patriotique il se précipite arme au poing : « taisez-vous ! » ordonne-t-il « taisez-vous ou je tire ! » mais le chant continue, ceux qui chantent sont de nouveaux arrivants qui portent une cocarde bleu blanc rouge accrochée au veston. Le milicien furieux arrache une cocarde qu’il trépigne avec rage mais la Marseillaise couplet après couplet continue et  est  reprise par les autres détenus, elle gagne toute la centrale.

Nos tenues civiles sont à nouveau interdites. Nous devons remettre la tenue infamante de bagnard. Notre courrier comme nos colis sont ouverts et délestés de certains produits. Les portes de séparation des préaux sont murées. Des détenus de droit commun sont introduits parmi nous pour rapporter ce qu’ils entendent. Dans les miradors les gardiens sont remplacés par des miliciens. Des mirador en acier et orientables sont ajoutés à ceux existants car ils craignent une attaque de l’extérieur. Nous n’allons au réfectoire que par petits groupes. Les vivres venant de l’extérieur sont refoulés.

Heureusement certain gardiens refusent l’application des anciennes mesures disciplinaires comme la marche en cercles au pas cadencés Cela m’empêche pas les détenus de cacher deux gros madriers destinés à servir de béliers en cas de nécessité.

Face à cette situation qui se dégrade de jour en jour, aux nouvelles qui nous arrivent et annonce les combats pour la libérations du pays, combats auquel nous souhaitons tous participer nos camarades responsables ont une volonté commune de précipiter le mouvement. Ils tombent d’accord pour l’application du plan soumis par Bernard le responsable militaire. Ce plan consiste à utiliser la première occasion qui se présentera.

Pour tromper Schivo les camarades semblent se plier de bonne grâce à la nouvelle discipline. Schivo pense avoir gagné et fier de son succès  fait venir une commission spéciale de contrôle pour constater la fermeté de l’actuelle direction du pénitencier.

L’inspection tarde et les hommes de choc prêts à l’action, seuls avertis de ce qui se prépare s’impatientent. Vers 14h 45 un ordre leur parvient :  « Soyez sur vos gardes ! »

 

L’insurrection  pour la liberté est déclenchée : Par la terrasse de la cour d’honneur le groupe de gens de Vichy mené par Schivo gagne la porte blindée, celle-ci se referme lentement. Un mot fuse « attention Schivo arrive au préau N° 1 ».  En silence dans un ordre hiérarchique, pénètrent l’inspecteur, Schivo, Latapie, le sous-directeur Ludacher, l’économe ferme la marche. Toujours précédés du gardien, les visiteurs s’engouffrent dans le foyer-chauffoir du préau 1. Latapie hurle dés l’entrée  « Garde à vous ! ». Deux cent détenus se figent dans un  garde à vous règlementaire. Schivo avise sur le mur une fresque peinte par des patriotes représentant un coq gaulois au milieu d’une carte de France éclairée de rayons d’un soleil levant . Il s’empourpre et veut des explications. Pascal au premier rang répond calmement au milicien. « Cette fresque ?  Elle représente le soleil qui luira demain sur la France Libérée ».

Schivo ne souffle mot et de sa large carrure prétend écarter les patriotes qui l’entourent. Au seuil de la porte le mouchoir du capitaine Heyries  vient de toucher le sol , il est 15heures, l’heure de l’insurrection a sonné. Les patriotes se rapprochent du directeur qui soudain inquiet dégaine son revolver. Il n’a pas le temps de tirer une main lui saisit le poignet, deux autres le cou. En moins de deux minutes il est bâillonné, saucissonné et mis hors d’état de nuire ? Même notre ami l’économe est attaché pour ne pas le compromettre.

L’opération se déroule d’une seule traite avec un tel sang froid que nul ne connaît à l’exception d’un petit groupe d’initiés réunis au préau N°2. Quand Léopold Roques nous demande de le suivre jusqu’à la chapelle nous ne savons rien et les gardiens dans les miradors nous voit prendre l’allée sans broncher car eux non plus ne savent pas ce qui se passe alors que toute l’administration est déjà en cellule et que notre Commandant militaire Bernard a déjà revêtu l’uniforme et la casquette à étoile d’un gardien et que d’autres camarades sortent des cachettes les pièces de mitraillettes pour les remonter. 12 mitraillettes : c’est peu comparées aux armes entre les mains des policiers.

Des groupes de chocs prennent possession des services auxiliaires où les gardiens sont à leur tour arrêtés et mis en cellule une fois déshabillés. Lors de cette évasion nous devons quitter la Prison Centrale en formation, entourés de gardiens, comme si nous étions mutés sur un autre site. Un gardien ami est envoyé vers le brigadier Delpet  gardien milicien borné. « Monsieur Delpet le Directeur vous demande ». Le zélé gardien court presque pour aller trouver son directeur, mais quand il pousse la porte il est arrêté et à son tour mis en cellule.

Il faut maintenant selon un plan préparé : occuper le poste de garde des surveillants, occuper le central téléphonique, empêcher d’agir le poste de commandement des gardes mobiles et des G.M.R.. C’est là, qu’un incident qui peut paraître bénin, va tout remettre en question.

Une corvée de droits communs, venant du camp est venue chercher des paillasses. Ils voient au détour d’un couloir le groupe désigné pour aller prendre le poste de commandement, ils crient et donnent l’alerte. Tenant son révolver braqué le capitaine des G.M.R. Guillevic apparaît escorté d’un milicien armé d’un pistolet mitrailleur.

« Rentrez dans vos préau ! » dit Guillevic. Il s’approche de nouveau et se trouve nez à nez avec la mitraillette que tient  Jean Chauvet. « Ah les salaud ! »hurle-t-il en se sauvant. Jean appuie sur la gâchette mais le coup ne part pas, la porte blindée se referme sur lui.

Le sort en est jeté, il faut passer du soulèvement silencieux à l’insurrection armée.

Des camarades tentent de rattraper  Guillevic mais une mitraillette ouvre le feu et notre commandant Bernard reçoit une balle au genou.

Un camarade lance une grenade pour faire taire la mitraillette G.M.R. Son action paye car il y a un aie de douleur et la mitraillette ne tire plus. D’un peu partout des fusils mitrailleurs entrent en action.

Un camarade me demande d’aller voir vers le parloir s’il n’y a pas une issue possible, je pars accompagné par deux copains. Au moment où je vais ouvrir la porte un des copains me tire en arrière,  il prend un bout de bois et pose son béret dessus puis le glisse par la porte entrouverte, le béret est percé par une balle. Cette partie est occupée par les G.M.R.

Le groupe de Pelouze veut tenter une sortie en démolissant un mur de briques qui cache une porte au pied d’un mirador. Les premiers coups de pioches alertent les miliciens du mirador qui ripostent en lançant sur nous des grenades. 

Pelouze nous demande d’aller chercher des paillasses pour nous garantir des éclats de grenade. En montant au dortoir je vois Léopold Roques qui de sa voix rocailleuse de catalan interpelle les occupants du mirador, en leur disant de ne pas tirer sur des Français qui se battent pour libérer le Pays. Les miliciens répondent par des tirs nourris Pour se garantir des éclats nous avançons vers la porte recouverts de paillasse. Soudain une grenade roule sous celle d’Aulagne il veut la reprendre pour la relancer vers les miliciens, mais elle éclate au moment où il  la ramasse. Criblé d’éclats, il a la main et le bras gauche en lambeaux. Il est amené à l’infirmerie où le Docteur Weil tente l’amputation. « Ce n’est pas la peine » dit Aulagne… « Ne vous occupez plus de moi… pensez à la porte aux copains ». Avant de mourir il dira : « j’aurais tant aimé réussir », et dans un dernier souffle « Adieu les gars !... heureux…pour la France je meurs ».

Les tentatives continuent mais la fin des combats s’annonce inévitable car nous n’avons plus de munitions et de nombreux blessés.

Tout à coup le téléphone sonne. Auzias demande à parler au Sous- Préfet mais le dialogue tourne court quand il apprend que les SS sont autour de la Centrale avec leur artillerie. Il explique aux copains ce qu’il vient d’entendre. La sonnerie retentit de nouveau. Auzias décroche . C’est le Capitaine des G.M.R. qui lui annonce que les Allemands sont prêts à bombarder les parties de la prison tenues par les insurgés dés 4 heures si d’ici là les armes ne sont pas déposées, les otages libérés et si nous n’avons pas rejoint nos dortoirs.

Les copains amène Schivo les yeux bandés prés du téléphone. « Vos maîtres les Allemands menacent de bombarder la prison dans quelques minutes. Vous imaginez ce qu’il adviendra de vous dans ces conditions ? nous avons décidés de ne plus prolonger le combat. Mais nous entendons qu’aucune représailles ne soit exercée contre nous ».

« Allo, Allo !…c’est le capitaine des G.M.R. ». Le téléphone est tendu à Schivo

« Allo ! Vous reconnaissez ma voix. Ici le directeur Schivo. Oui ça va bien. Ces messieurs ont été corrects. Ils se sont conduits en soldats. Je leur ai donné ma parole d’officier qu’il n’y aurait pas de représailles. D’accord ? faîtes cesser le feu ».

« Oui ! Ils demandent un délai d’une heure ».

Nous savions pour en avoir fait les frais ce que la parole d’honneur d’un milicien valait même celle d’un officier. Nous n’avions pas le choix.

Il est 5 heures, quand nous regagnons nos dortoirs respectifs la rage au cœur, nous venions de perdre la plus importante des batailles en jurant de rester unis en vue d’autres combats.

 

La Cour Martiale : « Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent » (Victor Hugo)

Pendant les deux jours qui suivent, nous sommes tous consignés dans nos dortoirs. Mais ces quarante–huit heures passées, le 20 février 1944, à l’aube, les gendarmes et les miliciens investissent la prison. Aux angles des préaux, sur les toits, à toutes les portes intérieures, des policiers sont prêts à tirer sur tout ce qui bouge.

Dans l’après midi, Joseph Darnand, le secrétaire d’Etat au maintien de l’ordre, exécuteur des basses œuvres, arrive en personne à Eysses. Une vaste opération de répression se déclenche. Après avoir été fouillés, nous devons rejoindre les chauffoirs. Pas un seul centimètre de notre corps et de nos vêtements n’échappent à cette minutieuse fouille. Les objets familiers : photos de famille, lettres, sont déchirées. Les médaillons avec photo d’un être cher sont brisés sous les talons rageurs des miliciens. Les mouchoirs sont supprimés. Si les policiers de Toulouse ne font pas trop d’excès de zèle, ceux de Limoges par contre sont d’une brutalité extrême, les questions fusent : « Qui commandait ton groupe ? As-tu tiré ? ». Les coups tombent et certains copains sont en sang.

Le surveillant chef Dupin tient le registre d’appel et désigne des copains qui sont mis à l’écart. Au chauffoir du 4, je vois mon ami Louis Guiral être mis de coté, puis Gabriel Pelouse à son tour est désigné par Dupin.

Au chauffoir 2, Dupin s’impatiente car Henri Auzias ne vient pas assez vite à son gré, car il dit à ses copains avant de les quitter : « Dans la lutte, quand le moment est venu de dire adieu à la vie, il faut savoir prendre ses responsabilités. Si j’y suis, soyez certains, amis que je saurai mourir ». « Auzias » répète Dupin furieux..« Voilà j’arrive » répond tranquillement Auzias en regardant une dernière fois ses copains.

Quand les trente gendarmes viennent chercher ceux qui ont été désignés pour les conduire au quartier cellulaire Filhol reconnaît parmi eux un gendarme de Monflanquin avec qui il a pris plusieurs fois l’apéritif, le gendarme a aussi reconnu  l’enchaîné qui marche à coté de lui « que faites-vous là ? » murmure t’il. «  J’y suis contre mon gré » répond le gendarme.« Moi aussi » rétorque Filhol.

Avant de disparaître dans le couloir menant aux cachots du quartier cellulaire Victor Michaut qui nous faisait les cours sur Marx et Engels Lance un : «  Vive la France » qui se répercute vers le préau 2.

La sélection terminée, des camarades sont encore interrogés toute la nuit des 22 et 23 février dans la cave située sous l’appartement de Schivo,  les miliciens voudraient d’autres noms… Mais pas un nom, pas un aveu ne sortira malgré les menaces et les coups.

Darnand n’ayant rien obtenu des suppliciés repart pour Vichy où le conseil des ministres se réunit sur sa demande et nomme une cour martiale qui arrive à la centrale le 22 dans la soirée. Le 23 février, à sept heures du matin douze des cinquante otages sont jugés et condamnés à morts.

A la même heure dans la cour d’épandage de la centrale, douze poteaux d’exécution se dressent à deux mètres l’un de l’autre. Le curé et le Pasteur, aumôniers attachés à la prison arrivent, les condamnés écrivent quelques mots pour leur famille, la plupart seront déchirés.

A quelques pas des poteaux d’exécution Auzias lance d’une voix ferme le verdict de la Résistance : «Schivo : condamné à mort ! Alexandre - condamné à mort ! Lieutenant Martin : condamné à mort ! Dupin : condamné à mort ! »

Les douze condamnés chantent la Marseillaise et refusent qu’on leur bande les yeux mais une cagoule leur est passée de force.

«Vive la France ! Vive la France ! », crient en cœur les douze avant de reprendre la Marseillaise. Le sabre de Martin s’abaisse, la Marseillaise est interrompue par les rafales qui viennent d’ôter la vie aux 12 patriotes, elle est reprise par l’ensemble des 1.200 résistants emprisonnés.

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Monument à la gloire des 13 Patriotes Résistants condamnés à mort par la cour Martiale présidée par Joseph Darnand chef de la milice et collaborateur des nazis. Ce monument se trouve au cimetière d’Eysses, il rend hommage à :   

Louis AULAGNE qui attrapa une grenade lancée par les miliciens du mirador pour la renvoyer aux expéditeurs ; elle éclate dans sa main, il meurt criblé d’éclats et à : Gabriel PELOUSE, Fernand BERNARD, Jean-Joseph STERN, Jean CHAUVET, Roger BRUN, Jean VIGNE, Henri AUZIAS, Bernard-Jaimes SEROT, Emile-Félicien SARVISSE, Baptiste MARQUI, Bertrand SERVETTO, Louis GIRAL.

 

03141-copie-1.jpg 

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Sur cette photo : le mur où à l’aube du 23 février 1944 les poteaux d’exécutions se dressent, mes camarades seront fusillés quelques minutes plus tard par des Gardes Mobiles de Réserves (GMR) sous les ordres du lieutenant MARTIN.

Durant la dernière demi-heure, les condamnés écrivent quelques mots à leur famille. Ces lettres seront déchirées par l’épouse de SCHIVO Directeur de la Centrale, milicien, un ami intime de DARNAND.

« Vive la France ! Vive la France ! »

crient en cœur les 12 Patriotes avant d'entonner le chant du départ

"Un Français doit vivre pour elle, pour elle un Français doit mourir"

coupé net par la salve du peloton d'exécution. De tous les préaux de la centrale où sont consignés les Patriotes une vibrante Marseillaise vengeresse s’élève.

 

partie-prison.jpg

Sur cette photo : cérémonie du 23 février 2009 rappelant cette tragédie. Cette partie de la prison centrale toujours en activité est aujourd’hui un lieu historique de  recueillement.

 

L'IMPOSSIBLE OUBLI 

Ne me demandez pas aujourd’hui d’oublier

Même si je le voulais je ne le pourrais point

Il y a tant d’horreurs liées au temps passé

Rien que les évoquer me fait serrer les poings

 

Dans mes cauchemars, dans mes nuits d’insomnie

Je revois les poteaux où furent exécutés

Mes douze compagnons Résistants confirmés

Qui avaient refusé l’occupation nazie

 

Si triste de savoir que ceux qui les ont tués

Croyaient de bonne foi être du bon côté

Aux ordres de leur chef le sinistre Darnand

Qui n’était qu’un servile valet de l’occupant

 

Et je pense au sourire de mon ami Guiral

Lorsque nous partagions l’univers carcéral

Aujourd’hui il est mort, les miliciens l’ont tué

Pour avoir trop aimé la vie, la liberté

 

Je n’oublie pas non plus nos douze compagnons

Tombés aux champs d’honneur pour les mêmes raisons

Que ce soit Jean Chauvet, Aulagne, Brun, Marqui,

Auzias, Serot, Vigne, Pelouse mon ami

 

Stern, Sarvisse, Bertrand Bernard ou Servetto

Dénoncés par Dupin et le sinistre Chivo

Juste avant de mourir, d’une voix de stentor

C’est Auzias qui condamne ses assassins à mort

    Jean Lafaurie  -  Matricule 407 à Eysses

 

Le passage à la centrale d’Eysses a été pour moi riche d’enseignements, je ne parle pas des lieux qui comme toutes les prisons de l’époque étaient lugubres, mais de l’ambiance qui régnait au sein de chaque préau. Nous venions tous de régions différentes, de milieux différents et de sensibilités politiques ou religieuses différentes, mais nous avions en commun au cœur une chose beaucoup plus importante que nos différences géographiques, politiques, sociales ou philosophiques à défendre : libérer notre patrie du joug de l’ennemi nazi et d’un gouvernement à sa botte.

Depuis de nombreuses années, il ne m’est plus possible de me rendre aux rassemblements de notre amicale, ce que bien sur je regrette, car 65 ans après les anciens camarades d’Eysses ou les veuves de nos camarades décédés souvent accompagnées de leurs enfants voire de leurs petits enfants  se retrouvent à Paris ou à Villeneuve-sur-Lot pour rendre à leurs martyrs, l’hommage ô combien mérité. Si ces retrouvailles sont marquées par l’émotion, elles sont aussi marquées par la joie d’être réunis. Dans les instances de l’Amicale, les fils, les filles, conscients de l’importance de pérenniser la mémoire de ces combats pour la liberté viennent reprendre le flambeau de ceux qui vaincus par la maladie ou l’âge avancé ne peuvent plus le faire. Eysses comme tout ce qui a trait à la Résistance ou à la Déportation ne peut pas et ne doit pas s’éteindre. Dans quelques jours, je vais re-commencer mes interventions dans les collèges et lycées, et je sais que les jeunes veulent tout savoir sur cette époque trouble de notre histoire.

 

Question posée par un professeur d’histoire au sujet de cet article :

Pourquoi votre tentative d’évasion collective a-t-elle échouée. Est-elle due à une mauvaise préparation dans la logistique ou à la trahison de certains dirigeants ?

 Non rien de tout ça ! Je vais vous donner les raisons de l’échec que j’appendrai bien plus tard,certaines publiées dans l’Express du 26 mars 1959. trouvées dans les cahiers de l’Histoire de la Résistance

Le 23 décembre 1943, afin d’établir des contacts directs avec les formations de résistants, un de nos camarades Kléber (de son vrai nom Fenoglio) mais qui pour l’opération s’appellera Tanger est désigné pour s’évader et rencontrer les responsables de la résistance.

Pour s’évader, il se cache avec la complicité d’un gardien de la saboterie, dans une caisse, au milieu de sacs remplis de copeaux. Tout est près pour le départ, mais le moteur de la camionnette refuse de démarrer. Des gardiens, dont certains hostiles à notre mouvement, se proposent pour pousser le véhicule, le moteur ronfle c’est gagné. Mais un surveillant chef bloque la camionnette, il veut fouiller minutieusement le chargement. Nos délégués Auzias et Fuchs qui de loin suivent la scène décident de faire intervenir le gardien Patriote Dumas qui arrive au moment où un gardien trop zélé commence le déchargement, il s’interpose : « vous n’êtes pas cinglés ?  - Laissez tomber ! - un camion de bois arrive dans quelques minutes - Il n’y a que des copeaux là-dedans ». Les sacs déchargés sont remis en place et la camionnette,  conduite par Bouvard, un résistant patriote de Villeneuve–sur-Lot auquel les détenus d’Eysses doivent beaucoup, passe la porte de sortie. L’évasion ne sera découverte que le 20 février 1944.

Le 2 janvier 1944, Kléber rencontre Ravanel, le responsable national des Groupes Francs  dépendant directement de la C.O.M.A.C. (Comité d’Action Militaire du CNR) qui sera à la libération le jeune colonel commandant F.F.I de la région de Toulouse. Le lendemain Ravanel repart pour Paris après avoir dépêché Kléber vers Toulouse pour rencontrer Joly, chef régional G.F de R4 du mouvement combat qui doit lui remettre un dépôt d’arme.

Un dispositif assez exceptionnel centralise tout ce que la résistance extérieure peut donner à l’appui du Bataillon d’Eysses lorsqu’il déclenchera l’insurrection.

Quarante résistants des groupes de choc de Lyon, Dix de Marseille et autant de Toulouse soutiendront la sortie des patriotes. Les Soixante hommes munis de mitrailleuses et de mortiers, tiendront les principaux carrefours et interdiront l’arrivée des renforts vichystes. Les soixante résistants sont des combattants entraînés.

En même temps s’organisent le transport, l’habillement, le camouflage des hommes libérés, des dizaines de Citroën sont prévues pour conduire les patriotes évadés vers les régions boisées du Périgord. En moins de 24 heures, l’appareil est mis sur pied. Cette partie de l’opération a pour nom « Monga ». L’action est prévue pour la semaine entre Noël et jour de l’an, mais une confirmation doit être donnée à la direction (notre poste de commandement) du Front National de la prison centrale et bien sur au responsable National des Corps auprès du C.O.M.A .C.  La confirmation tarde et finalement n’arrive pas.

Nous apprendrons en 1959 par le Journal l’Express publiant des extraits de « l’Histoire de la libération) que Joly en apprenant que Tanger était communiste, avait refusé de lui livrer les armes promises. Tanger ayant perdu confiance à la volonté de la C.O.M.A.C, a rompu les contacts. Quelques semaines plus tard, l’état major du bataillon d’Eysses décide de tenter seul sa tentative d’évasion collective sans aide extérieure.. Ce fut l’échec suivi de la répression féroce. Vous connaissez la suite.

Le refus de Joly n'est-il pas une trahison ?

Le refus de Joly peut être considéré comme une trahison, mais à cette époque : on se méfiait de tout. Tout était risqué ! Combien de réseaux sont tombés dans les pièges tendus par la Milice ou la Gestapo Française (*). Le Gouvernement faisait courir des rumeurs prétendant que « l’épouvantail communiste »  faisait de la résistance pour son propre compte, ce qui était faux.

Le mouvement  Franc Tireur et Partisan (F.T.P) a été créé par Charles Tillons sans l’aval du Parti Communiste. S’il se composait de beaucoup d’anciens militants communistes, il y avait aussi beaucoup de volontaires non communistes.

Début 1942 , Jean Moulin à son retour de Londres, est missionné par le Général de Gaulle pour coordonner les actions et les différents mouvements de résistance.

Le 28 août 1942, les groupements de résistances  F.T.P., Combats et Libération, à la demande de Jean Moulin se placent résolument sous le commandement du général Delestraint au pseudonyme de « Vidal ».

Les rumeurs persistent, Joly croit encore à cette rumeur, il est peut-être plus anticommuniste que résistant et refuse son concours à Tanger, délégué du collectif d’Eysses composé de toutes les tendances politiques.

 D’où l’importance du rôle de Jean Moulin, qui fait taire ces rumeurs mensongères, et au retour de son entrevue avec le général de Gaulle crée le Conseil National de la Résistance (qui se réunit pour le première fois le 27 mai 1943) pour que les nombreux groupes et groupuscules épars, se regroupent et se retrouvent sous une seule et unique formation militaire « les Forces Françaises de l’Intérieur » (FFI) qu’il place sous le commandement  du général Charles Delestraint. Il faudra quelque temps pour que sur le terrain cette volonté devienne réalité.

  (*) voir en fin d'article précisions sur la collaboration : portrait d'un collaborateur.


Villeneuve-sur-Lot

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Cet autre monument érigé par la municipalité de Villeneuve-sur-Lot, prouve l’attachement de cette ville, à ceux qui le 23 février 1944 sont morts pour avoir défendu la liberté. 
Il faut savoir que cette ville a été d'une grande bonté pour les Patriotes Résistants enfermés à la centrale.Chaque jour des vivres collectés dans la ville et la campagne environnante arrivaient à la centrale.

 

Suite à l’exécution des 13 Patriotes, des appariteurs et des gendarmes sillonnaient la villepour demander aux gens de ne pas déposer de fleurs sur les tombes des fusillés, sous peine d’être arrêté. Malgré cette interdiction et les menaces qui l’accompagnaient, chaque matin les tombes étaient couvertes de fleurs, enlevées par les Gendarmes et renouvelées aussitôt. Un matin les gendarmes découvrirent un calicot tendu au dessus des tombes sur lequel on pouvait lire, « Gloire au 13 Patriotes morts pour la France »

 

L'Amicale des Résistants, Patriotes, Emprisonnés à Eysses  a voulu par cet ouvrage redonner au Collectif d'Eysses sa juste place dans l'histoire.

essais642.jpgCe livre   est disponible à : L'Amicale des Anciens d'Eysses - 10 rue Leroux - 75116 PARIS

 

Deux photos de Villeneuve sur Lot et la rivière qui la traverse le Lot

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Si vous passez un jour dans cette belle région du Lot et Garonne et cette belle ville de Villeneuve–sur -Lot arrosées par le Lot et connue pour ses fameux pruneaux d’Agen;je vous recommande d’aller visiter le musée racontant la vie et les luttes des Patriotes embastillés dans cette prison centrale. Vous pouvez même aller voir le mur des fusillés.


(*) La collaboration : Portrait d’Henri Chamberlin.

Henri Chamberlin est une figure dominante de la collaboration entre la pègre et la Gestapo, voire la milice. Pendant quatre ans, ce sinistre individu qui se fait appeler « Monsieur Henri » par ses sous-ordres, interdit de séjour en raison de multiples condamnations, va se mettre à la disposition de la gestapo.

Dès juin 1940, il se lance dans le marché noir pour le compte des services de l’hôtel Lutétia, siège de la Gestapo. Il achète tous les produits alimentaires et avec l’appui d’un ex compagnon de captivité, Max Stoklin, agent de la Gestapo, ouvre un premier magasin, rue Tiquetonne. C’est là que les permissionnaires allemands viennent acheter les produits de qualité qu’ils ramènent en Allemagne.

Les affaires vont tellement bien, qu’il ouvre deux autres magasins, un rue Cadet, l’autre rue du Faubourg  St Antoine. Il achète tout, blé et maïs par tonnes, du bétail, des fourrures, des bons vins, du champagne très apprécié par  les nazis et son ami Max Stoklin, qui le présente aux deux principaux responsables du Lutétia : Otto Brandl, agent spécial de l’Abwehr qui règne durant toute l’occupation sur un empire « bureau des achats », et Radecke, officier de la Wehrmacht, amateur de femmes et de virées nocturnes.

Lafont les amuse,  ils l’admirent malgré une enquête vivement menée qui les éclaire sur le passé de ce repris de justice. Cela ne les inquiète pas, ils pensent même avoir barre sur lui. En fait c’est lui qui, par des manœuvres de compromissions, a barre sur eux. Il devient même « intouchable ». Son commerce devenant de plus en plus  fructueux, il a besoin de personnel. Il pense à ses anciens copains, truands notoires, incarcérés  à la prison de Fresnes. Il va donc, accompagné du capitaine  de la Wehrmacht  Radecke à la prison.

Radecke montre au directeur un ordre qui ne se discute pas, et lui dit d’ouvrir toutes les cellules. Le directeur affairé voit que ce n’est plus le capitaine, mais le français qui commande, montrant du doigt celui qui l’intéresse, c’est lui qui  dit : « libérez-le ! ». 27 truands seront libérés par Lafont.

La libération des 27 truands met le colonel Reile dans une colère noire, il ordonne au capitaine Schaeffer d’arrêter Lafont, mais averti par Radecke, ce dernier se cache.

Depuis Six mois l’Abwechr recherche l’un des chefs de la Résistance Belge Lambrecht qui  serait réfugié dans le Sud-Ouest. Radecke voit là un moyen de remettre Lafont sur les rails. Il doit retrouver Lambrecht et le livrer à la Gestapo.

Une première  piste le conduit à Bordeaux, où un informateur lui dit que Lambrecht  réside à Toulouse, il lui donne même l’adresse. Muni de ces renseignements, il remonte à Paris pour informer ses  acolytes Radecke et Brandl de ses  découvertes, qu’ils vont transmettre au colonel Reile. Lafont a carte blanche, il obtient des armes, des uniformes allemands, les auweiss (laissez-passer) nécessaires, et beaucoup d’argent. Il veut réussir l’affaire sans les Allemands. Pour l’opération, il prend trois de ses hommes : Robert dit le « le fantassin », De Hirbes dit « la rigole » et d’Estebéteguy, un tueur, dit « Adrien la main froide ». Ils louent une voiture et foncent à Toulouse. A l’adresse indiquée, il trouve Lambrecht en train de se raser. Ils l’assomment, ils le ligotent, ils prennent ses documents et l’enferment dans le coffre de la voiture qui se dirige sur Bordeaux où Lambrecht est remis au mains de la Gestapo. C’est Lafont et ses trois autres truands qui vont conduire l’interrogatoire. Pendant trois jours et trois nuits sans interruption  Lafont et ses complice vont s’acharner sur Lambrecht qui brisé, réduit à l’état d’une loque sanglante finira par craquer et donner tous les détails sur le réseau qu‘il dirigeait avec des antennes à Bruxelles, Paris, Anvers, Amsterdam et même à Berlin. Plus de six cents personnes furent arrêtées suite à ses aveux.

Lafont remonte en grâce, il reçoit même l’accolade de celui qui devait l’arrêter.

En mai 1941, il prend pour quartier général un hôtel particulier, au 93 de la rue Lauriston dont le jardin l’enchante. Il continue à recruter dans le milieu, Paulo du Helder dit « la gamberge »

Charles Cazauba, Miclar qui se spécialisera dans la dénonciation des juifs, Riri l’Américain proxénète, Abel Danos dit  « le Danois », dit aussi « le sanguinaire », Chaves dit « nez de braise », Raymond Richard et sa régulière Simone Vernhes qui en mai 1944 feront arrêter en une seule journée soixante Résistants.

C’est en compagnie de cette aristocratie du crime que le sinistre Lafont inaugurera son installation à l’hôtel Lauriston avec comme invités d’honneur le colonel à scrupules Reile, le capitaine Radecke, Otto Brandt et Boemelburg, l’un des maîtres tout puissant de la Gestapo.

Le réseau Lafont est aussi terrible, sinon plus, que la Gestapo pour l’arrestation des résistants. C’est l’un de ses hommes, Daniel Hirbes qui dénonce le groupe 

« Résistance-Fer », Bernard Tertre qui réussit à infiltrer « Libération-vengeance » et fait arrêter tout le réseau. C’est Lafont en 1943, qui élimine le réseau « Défense de la France » et conduit l’arrestation de Geneviève de Gaulle nièce du général de Gaulle.

De juin 1942 à juillet 1944, la « bande à Lafont » participe à de nombreuses opérations et arrestations de résistants, ainsi qu’aux interrogatoires dans les caves de l’hôtel. La baignoire était l’un des procédés le plus employé, mais il y avait aussi la règle triangulaire où le supplicié devait s’agenouiller en suspension par les bras ramenés en arrière, le nerf de bœuf, on limait les dents, on brûlait avec des cigarettes et même avec une lampe à souder, on employait l’électricité un fil à la cheville et l’autre appliqué sur les partie les plus sensibles du corps, on entaillait les plantes des pieds et on faisait marcher les suppliciés sur du sel, on mettait du coton imbibé d’alcool entre les doigts de pieds que l’on enflammait. Lafont poussait même le sadisme jusqu'à demander à ses maîtresses de brûler elles mêmes les seins des femmes.

Si la décapitation des réseaux de résistance était l’une des occupations officielles du réseau, il n’oubliait jamais le côté matériel. C’est ainsi qu’à l’arrestation de la bande, on retrouvera 142 millions dont 17 millions en Livres Anglaises et 9 millions en Dollars, 15 lingots d’or, plus deux de faux, 502 pièces d’or, deux clips et trois diadèmes en or, douze broches incrustées de diamants.

Dans les derniers mois de l’occupation, les hommes de Lafont sillonnent la France à la recherche des Résistants mais aussi pour piller. Plusieurs fois, Lafont participe aux opérations contre les maquis. Après le débarquement un grand nombre de ses complices l’abandonnent.

Lafont et Bony se réfugient dans une ferme près de Bazoches, en Seine et Marne, c’est Joanovici le célèbre « chiffonnier milliardaire » qui va les dénoncer à la police. Leur procès commence le 1er décembre 1944 et va durer dix jours. Lafont ne présentera jamais de regrets, il revendique même la responsabilité de tous ces crimes.

Pour Lafont et ses lieutenants le même verdict : la mort. Le 26 décembre 1944, ils marchent vers le peloton d’exécution, Lafont refuse le secours de l’aumônier, il refuse même de se laisser bander les yeux en disant : « je veux boire jusqu’au dernier rayon de soleil » A 9h50 celui qui se faisait appeler Monsieur Henri, ce chef de la Gestapo Française, ce tortionnaire de nombreux résistants, tombe sous les balles du peloton d’exécution.

( Résumé d’un article d’Alain Decaux paru dans la revue Historia N°411 de février 1981 )

 

 

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