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18 octobre 2015 7 18 /10 /octobre /2015 09:06

HISTORIQUE DE MON ENGAGEMENT

ET REPONSES A VOS QUESTIONS

 

Mon entrée en décembre 1940 , dans l’Organisation Spéciale d’obédience Communiste qui avait le courage de dénoncer par tracts cette collaboration hors nature n’a pas été le fait d’un coup de tête, mais bien d’une envie viscérale de refuser et de dénoncer avec ses autres membres,  cette collaboration avec l’occupant nazi prônée par un gouvernement à sa botte présidé par Philippe PETAIN et ses ministres, et l’ensemble de la presse inféodée, elle aussi, à l’occupant.

J’avais une autre motivation, l’arrestation pour raison politique de mon oncle Charles MEYNEN responsable syndical des PTT du Lot, et sa déportation à la prison de Maison Carré en Algérie avec bien d’autres responsables syndicaux et membres du parti communiste devenus les boucs émissaires de ce gouvernement de trahison.

J’avais aussi en mémoire les histoire que me racontaient mes deux grand-pères qui avaient fait la première guerre qu’ils pensaient être la Der des Der.

Le plus décisif de mon engagement est l’appel du 18 juin 1940, lancé par le général de Gaulle de la BBC de Londres. Comme la grande majorité des gens, je n’avais pas entendu cet appel lancé sur une radio Britannique. La radio que nous appelions à l’époque la T.S.F n’était pas dans tous les foyers, un poste coûtait très cher, seuls les gens fortunés ou aisés pouvaient s’offrir ce luxe.

 J’ai appris cette information quelques jours après  par un camarade de travail Lorrain qui lui-même l’avait appris par téléphone d’un ami Marseillais. Seuls les journaux de Marseille avaient publié cet appel dans leur première édition.
Cet appel venant d’un général complètement inconnu  m’a semblé d’une importance capitale. J’ai donc demandé à mon copain qui ne rêvait que de rejoindre de Gaulle à Londres, d’avoir par son ami  le texte de cet appel. Il le reçut deux jours plus tard et me le donna. Le soir même après avoir demandé à deux anciens camarades d’école de bien vouloir m’aider, nous avons réécrit, à la main, sur des feuilles de cahier cet appel, soit une cinquantaine de feuilles que nous avons ensuite glissées dans les boîtes aux lettres ou sous les portes d’habitation avec l’espoir qu’elles passeraient de main en main et toucheraient ainsi toute la petite ville de Souillac.

Il faut savoir qu’à cette époque, appartenir à une organisation clandestine n’était pas de tout repos : travailler le jour, distribuer les tracts ou la presse clandestine la nuit, et c'était risqué. La délation était chose courante. Les pouvoirs publics considéraient même la délation comme un acte de civisme et l’encourageaient.

Par deux fois, j’ai été convoqué à la gendarmerie. La première fois en novembre 1941, sur dénonciation sous forme de lettre anonyme, « ON » m’avait vu distribuer des tracts. C’était sans doute vrai, mais il m’a été facile de nier le fait reproché. Je ne pense pas me tromper en disant que les gendarmes n’aimaient pas ce genre de dénonciations anonymes.

En 1942, notre groupe rejoint  l’Organisation F.T.P (Franc Tireur Partisan) organisation militaire créée par  Charles Tillon. Je reste à la diffusion de la propagande dénonçant les arrestations et les crimes commis par l’occupant et par les policiers français collaborateurs, mais aussi les informations concernant les combats et les victoires alliés, et les déboires des troupes hitlériennes que la presse officielle minimisait pour ne pas déplaire aux nazis et aux tenants du pouvoir.

Une nuit glacée et noire de février 1942, alors que je distribuais des exemplaires de l’Humanité évoquant le procès de Riom, avec un camarade Jean Vincent , je me suis trouvé à l’angle d’une rue, un journal dans la main, nez à nez et complètement ébloui par la lampe torche de l’un des deux gendarmes. D’autres exemplaires étaient cachés sous mon pull. A l’interrogation du gendarme, j’ai répondu que je venais de le ramasser. Je ne suis pas certain qu’il m’ait cru, mais mon camarade qui distribuait de l’autre coté de la route me voyant aux prises avec les agents de la maréchaussée s’est mis à courir ce qui a fait  penser aux gendarmes que c’était lui qui distribuait le journal clandestin. Ils m’abandonnèrent  pour courir après lui ce qui me sauva encore une fois, sans nuire à mon copain qui leur échappa. Mon expérience ne me laisse pas penser que les gendarmes, parmi les polices de l’époque, aient fait acte de zèle pour servir le pouvoir

En juin 1943, c’est un gendarme qui m’a fait prévenir de mon arrestation imminente, me permettant de prendre le large et de rejoindre le groupe auquel j’étais affecté si mon action clandestine devenait dangereuse. Ce groupe avait pris le nom de Guy Môquet en hommage au jeune Communiste de 17 ans, fusillé le 22 octobre 1941 avec 50 autres otages pour la plupart Communistes et Syndicalistes.

  

QUESTIONS-REPONSES A PARTIR DE CET ARTICLE

En 1940 vous aviez 16/17 ans, il n’y avait pas tous les médias d’aujourd’hui, quel a été le déclic  comment vous êtes-vous senti directement et personnellement concerné ?

J’étais rentré en 1938 dans les Jeunesses Communistes, j’avais 15 ans. J’étais responsable de notre journal « l’Avant-Garde ». J’ai vivement ressenti l’interdiction décrétée au mois d’août 1939 du Parti Communiste Français (PCF) et de la Jeunesse Communiste (JC). La saisie de nos journaux et l’arrestation des dirigeants communistes et cégétistes, puis le13 octobre l’arrestation du jeune Communiste Guy Môquet révélée par un numéro clandestin de l’humanité me concernaient directement et intégralement.  

 

Quelles étaient les réactions de vos proches, de vos copains, de votre famille, des adultes autour de vous ? Vous ont-ils pris au sérieux de suite ?

Ma famille était très marquée par l’arrestation de mon oncle Charles qui n’avait rien fait de mal, bien au contraire, responsable Cégétiste des PTT du  Département du Lot, il avait aidé des  familles de réfugiés espagnols fuyant le régime Franquiste à trouver un toit ou une famille d’accueil, rien ne nous semblait plus normal, du plus ancien au plus jeune, nous nous sentions complètement impliqués. 

 

Avez-vous pu prendre contact avec des adultes déjà organisés ? Quelles ont été les premières consignes et conseils ?

C’est un camarade des JC qui est venu me trouver et m’a demandé si j’accepterais de lui donner un coup de main pour la distribution de tracts ou de journaux clandestins. J’’ai dit oui immédiatement sans poser de question sur le responsable de l’organisation. J’ai appris peu à peu,  que je faisais partie d’une organisation « triangulaire », que je ne devais connaître que les deux autres camarades du triangle : celui qui m’avait contacté Jean (dit Renard) et Florentin. C’est seulement à Eysses que j’ai vu arrivé un Monsieur qui s’appelait Edouard Laval, je le connaissais de vue, j’ai appris qu’il était notre responsable à l’échelon supérieur.  

 

Avez-vous senti dans votre entourage que des clans se formaient : ceux qui voulaient faire quelque chose, ceux qui ne voulaient pas d’histoire « rien voir, rien entendre, rien dire », ceux convaincus du bien fondé des décisions de Pétain, et aussi des nazis racistes, antisémites, anti-opposants ?

Oui. nous avions souvent des discussions très animées sur les évènements. Les anciens combattants, par exemple, ont au début approuvé toutes les décisions prises par celui qu’ils considéraient leur chef, Pétain, seul capable de sauver le Pays. Au fil du temps ils ont changé d’opinion. Il y avait les gens de la droite traditionnelle qui accusaient les gens de gauche PC-PS et les syndicats d’être les responsables des malheurs du Pays. Certains disaient que la France n’avait que ce qu’elle méritait car ils n’acceptaient pas la victoire du Front Populaire de 1936.

Les actes de barbarie commis par les nazis changèrent les attitudes, certains sont même devenus d’actifs Résistants dans les groupes Gaullistes.

A mon passage aux francs-tireurs et Partisans Français (FTPF) fin 1942, nous avions été chargés de faire une collecte parmi nos anciens camarades syndicalistes ou politiques. Nous n’étions pas toujours bien reçus, même parmi eux. Certains nous traitaient de fous.

Dans notre ancien groupe de douze membres des JC, quatre se sont tournés résolument vers la résistance active, sept se sont fait oublier (ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient insensibles aux mouvements de résistances, ils refusaient simplement de s’engager). Un, est parti vers la collaboration se mettant même au service de la Gestapo, Il fut arrêté par la Résistance en 1944. Mon frère aîné, André, qui avait été un de ses camarades d’école et des JC, a été chargé de le garder et il se rappelait comme il l’avait supplié de le laisser filer, ce qui n’était pas envisageable. Un jour les maquis ont arrêté une jeune fille que nous connaissions bien, accusée de transmettre des noms de Résistants à la Gestapo, elle a tenté d’avaler une liste de noms qu’ils l’ont obligé à cracher, mon frère m’a dit que mon nom figurait sur le bout de papier.  Mais je ne risquais plus grand-chose, j’étais déjà arrêté.

 

En vous présentant vous nous avez dit que vous étiez témoin et acteur de cette période, vous étiez aussi une victime ?

Je n’ai pas prononcé le mot victime pour la bonne raison que je n’en étais pas une. Les victimes ce sont ceux qui ont été arrêtés sans raison, dans des rafles  comme il y en avait souvent à Paris et dans les grandes villes.  Nous, nous avions fait un choix en acceptant les risques, nous nous étions engagés. Même sans uniforme nous étions des soldats volontaires, le mot victime ne peut donc pas s’adresser à nous.

 

Aviez-vous une idée des risques encourus quand vous êtes entré dans une « triangulaire » ?

A 17 ans, on est tous un peu téméraires, et si j’étais sûr de défendre une cause qui me paraissait juste, les risques paraissaient secondaires. De plus, nous étions dans la zone dite « libre » de la France, les dangers étaient moindres. Nous prenions quand même quelques précautions, car nous pensions qu’une dénonciation anonyme  était plus à craindre que les gendarmes.

 

Un maquis c'était quoi ? :

Un groupe de 25 à 30 hommes vivant dans les bois, ne mangeant pas toujours à leur faim, couchant dehors par tous les temps. Notre groupe avait trouvé un grand parachute dont nous avions fait un marabout, (une tente ronde à toit conique). De leur point d’ancrage, les « maquisards » opéraient des actions contre tout ce qui d’une façon ou d’une autre, volontaire ou pas, servait l’occupant ou le gouvernement à sa botte : faire sauter un pylône électrique, une ligne téléphonique servant à alimenter une usine travaillant pour l’ennemi. Aujourd’hui, ce genre d’action peut paraître ridicule car dans l’heure qui suit la ligne serait réparée, ce n’était pas le cas à l’époque où tout se faisait à la force des bras, ce que l’on fait aujourd’hui en quelques heures réclamait alors plusieurs jours. C’était également une préparation des groupes à participer aux combats libérateurs. Le groupe Guy Môquet était composé de communistes et de syndicalistes menacés d’arrestation et  contraints à la clandestinité, de requis pour le STO qui pour échapper à cette réquisition avaient rejoint la Résistance, de deux jeunes Lorrains qui avaient fuit leur région pour ne pas être incorporés dans l’armée nazie. Je ne suis resté que très peu de temps dans ce groupe et je n’ai  participé qu’à une seule opération : il fallait empêcher une petite usine qui travaillait sur des pièces d’armement pour l’armée allemande de fournir ce matériel, pour cela il a été décidé de faire sauter le transformateur électrique qui alimentait l’usine, ce qui a été fait avec succès.

Le 13 juillet 1943, une unité allemande est rentrée dans une pâture à la lisière du bois où nous étions, par mesure de sécurité le Responsable jugeant qu’il y avait danger, nous a fait démonter notre marabout, après l’avoir caché, il nous a demandé de nous disperser en nous donnant comme mission d’aller organiser un groupe dans notre propre département le LOT.

La malchance a voulu que l’on se fasse arrêter le lendemain 14 juillet 1943, dans le village de Marcillac-la-Croisille, par une unité de G.M.R (Garde Mobile de Région) de Périgueux.


Qu’est-il arrivé à vos deux camarades, quand vous avez été pris ?

Celui qui m’avait enrôlé Jean Delbos (dit Renard) ne m’a pratiquement jamais quitté, nous avons été arrêtés ensemble, emprisonnés, jugés, déportés ensemble, mais à Allach nous étions dans des Kommandos différents, ce qui ne nous empêchait pas de nous voir. Il m’a même apporté plusieurs fois des bouts de pain.

Le troisième pilier du triangle, Florentin était caché dans une planque par un ami fermier, qui offrait aux résistants en plus  du gîte, le couvert. La fille du fermier l’a retrouvé  pendu à une poutre de la planque, Nous n’avons jamais su le motif de son suicide. 

 

Avez -vous tué des allemands ?

Lorsque la Résistance est entrée dans la phase offensive contre l'occupant, je me trouvais dans le camp de concentration. Je suis de nature pacifique, je n'aime pas les armes et encore moins m'en servir.  Cependant, si les circonstances m'avaient placé au coeur de l'action, je n'aurais pas laissé tomber les amis, je pouvais compter sur eux, eux  comptaient  sur moi.

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